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Abus de droit – L’existence d’une autre voie de réduction de la charge fiscale ne permet pas d’écarter l’abus

 

L’article L64 du LPF accorde à l’administration fiscale la possibilité d’écarter comme ne lui étant pas opposables les actes ayant un objectif exclusivement fiscal, constitutifs d’un abus de droit. La fictivité des actes ou la fraude à la loi permettent notamment de caractériser un abus de droit.

 

Dans une décision de décembre 2023, le Conseil d’État a eu à se prononcer sur la question de savoir si un abus de droit pouvait être caractérisé lorsque l’effet du montage abusif aurait pu être atteint par une autre opération non abusive. Les juges y répondent par l’affirmative.

 

Dans l’affaire traitée, les parts d’une société française détenant de multiples participations avaient été transmises par succession. Les deux héritiers avaient ensuite créé une holding étrangère et apporté à cette dernière l’intégralité des parts détenues par la société française. À la suite, la société française avait distribué d’importants dividendes à sa holding étrangère et avait procédé à diverses opérations de réduction de capital. Au global, cette opération n’a dégagé qu’une faible plus-value d’apport et les distributions ainsi que les réductions de capital n’ont donné lieu à aucune imposition en France.

 

L’administration, qui relève que la holding étrangère était dépourvue de substance économique réelle, qualifiait le montage d’artificiel et donc constitutif d’un abus de droit. Pour l’administration, le seul objectif de cette création était de permettre aux associés d’appréhender les liquidités détenues par la filiale.

 

Les requérants invoquaient l’erreur de droit en ce que l’abus de droit ne pouvait être reconnu qu’en présence d’un gain fiscal et qu’au cas particulier, une simple réduction de capital de la société française (qui aurait été non abusive) aurait permis de parvenir au même résultat.

 

Le Conseil d’État donne raison au requérant en ce que l’abus de droit ne peut pas être constitué si le montage ne permet aucun gain fiscal :

« Les dispositions de l’article L64 du CGI ne permettent pas à l’administration d’écarter, au motif qu’ils procéderaient d’un abus de droit, des actes qui, bien qu’uniquement inspirés par le motif d’éluder ou d’atténuer la charge fiscale supportée par le contribuable, sont en réalité dépourvus d’incidence sur cette charge ».

 

Cependant, il précise que la possibilité pour le contribuable de recourir à un autre montage qui concourt aux mêmes économies d’impôts ne permet pas d’écarter l’abus de droit :

« N’est pas de nature à faire obstacle à ce que soient écartés comme procédant d’un abus de droit des actes passés ou réalisés dans le seul but d’atténuer la charge fiscale supportée par le contribuable, la circonstance que l’intéressé aurait pu déduire cette charge de manière identique en faisant le choix de passer ou de réaliser d’autres actes que ceux argués d’abus de droit ».

 

Le contribuable ne peut donc pas invoquer l’existence d’une autre voie de réduction de la charge fiscale pour écarter l’abus de droit, même si cette autre voie aurait pu aboutir au même résultat.

 

CE, 9e et 10e ch., 12 décembre 2023, n°470038

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