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Contentieux fiscal – Une instruction fiscale est opposable à l’administration même quand celle-ci lui laisse une marge de manœuvre

 

L’article L.80 A du LPF offre une garantie au contribuable empêchant l’administration de procéder à un redressement lorsque ce dernier a appliqué un texte fiscal selon l’interprétation qui en a été donnée par la doctrine administrative. Ce texte permet de se prévaloir de la doctrine pour s’opposer à un redressement fiscal basé sur une interprétation différente de loi que l’administration fiscale adopterait a posteriori.

 

Pour le Conseil d’Etat (arrêt en date du 14 octobre 2020), la circonstance qu’une instruction fiscale laisse un pouvoir d’appréciation à l’administration ne fait pas obstacle à ce que celle-ci soit opposable dans le cadre l’article L. 80 A du LPF, dès lors qu’elle énonce une règle d’interprétation de la loi fiscale à portée générale.

 

En l’espèce, la doctrine était celle relative à la déductibilité des prestations compensatoires, déduction prévue par le 2° du II de l’article 156 du CGI, et commentée par la doctrine (paragraphe 11 de l’instruction n° 5-B-21-06 publiée au Bulletin officiel des impôts du 17 juillet 2006).

 

M C a été condamné, à la suite d’une procédure de divorce, au versement d’une prestation compensatoire à son ex-épouse. Alors que le jugement prononçant le divorce prévoyait un unique versement pour cette prestation, le contribuable s’est tout de même acquitté de la somme en trois versements (respectivement le 25 août 2010, le 31 août 2010 et le 18 mai 2011) et a déduit une partie de son revenu global 2010 en application du 2°, du II, de l’article 156 du CGI.

 

A la suite d’un contrôle sur pièces, l’administration fiscale a estimé que les conditions de l’article 156 du CGI n’étaient pas remplies (en l’espèce les versements ne respectaient pas les modalités de paiement fixées par le juge) et a réintégré les sommes.

 

Le contribuable a contesté cette décision en s’appuyant sur la doctrine administrative en vigueur au jour du litige qui indique que lorsque le versement en tout ou partie de la prestation compensatoire est effectué au-delà du délai de douze mois alors que le jugement prévoyait que le versement devait intervenir intégralement dans le délai de douze mois, “les sommes versées sont normalement déductibles du revenu imposable du débirentier et imposables selon le régime des pensions au nom du crédirentier (…) Toutefois, si les services établissent que les parties, et notamment celle tenue d’acquitter la prestation compensatoire, n’exécutent pas la décision du juge dans les termes prévus aux seules fins d’en retirer le bénéfice d’un régime fiscal favorable, les dispositions précédentes ne leur sont pas applicables. Dans ce cas, les versements ne sont donc ni déductibles, ni imposables. Il appartient toutefois aux services d’établir la preuve de l’intention du contribuable. »

La cour administrative d’appel, dans son arrêt du 29 mars 2018, a écarté l’invocabilité de cette instruction au motif que la doctrine administrative qui laisse un pouvoir d’appréciation à l’administration ne saurait être regardée comme une interprétation formellement admise du texte fiscal.

 

Pour le Conseil d’Etat, la cour a commis une erreur de droit en jugeant que la doctrine administrative qui laisse un pouvoir d’appréciation à l’administration ne saurait être regardée comme une interprétation formellement admise du texte fiscal, alors que les dispositions en cause énoncent une règle d’interprétation de la loi fiscale à portée générale.

 

 

CE, 10e et 9e ch., 14 oct. 2020, n° 421028

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