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Pénal-fiscal : Le fraudeur peut aussi blanchir


Le fait, pour un contribuable, de se soustraire frauduleusement à l’établissement ou au paiement de l’impôt constitue une fraude fiscale.

Dit simplement, le blanchiment constitue quant à lui le procédé visant à réintégrer des sommes issues du produit d’une infraction dans le système économique « légal ».

Dans l’espèce commentée, un contribuable était renvoyé devant le juge correctionnel des chefs de fraude fiscale et de blanchiment de cette même fraude, notamment pour s’être frauduleusement soustrait à l’établissement et au paiement de l’IR et de l’IFI puis en plaçant des avoirs non déclarés sur des comptes détenus à l’étranger et en convertissant le produit de l’infraction grâce à la constitution d’un trust aux Bahamas et à l’acquisition d’un terrain en Colombie.

Au titre du cinquième moyen développé à l’appui du pourvoi, la chambre criminelle était saisie de la question suivante : lorsqu’un contribuable blanchit le produit d’une fraude qu’il a lui-même commise, est-il possible de cumuler les infractions de fraude fiscale (art. 1741 CGI) et de blanchiment (art. 324-1 C.pén.) sans violer le principe ne bis in idem ?

S’appuyant expressément sur un de ces arrêts rendus le 15 décembre 2021 (n°21-81.864), la Cour de cassation répond par la positive en affirmant « qu’en cas de poursuites concomitantes, le principe ne bis in idem n’interdit le cumul de qualifications lors de la déclaration de culpabilité que lorsque les infractions retenues répriment des faits identiques ».

Aussi le principe ne bis in idem n’est-il pas atteint lorsque les qualifications procèdent de faits matériels distincts.

Appliquant cette règle à la situation de l’espèce, la Cour de cassation autorise le cumul des qualifications de fraude fiscale et de son propre blanchiment, dès lors que « les déclarations de culpabilité des chefs de fraude fiscale et de blanchiment sont fondées sur des faits distincts, la première infraction étant constituée par l’absence de référence dans les déclarations faites par le prévenu à l’administration fiscale des avoirs détenus à l’étranger, ainsi que des revenus tirés de ces avoirs, tandis que la seconde est caractérisée par des opérations successives de dissimulation du produit de cette fraude, notamment réalisées au travers de l’ouverture et du fonctionnement de comptes bancaires à l’étranger ».

Une solution qui peut surprendre lorsqu’on sait que les éléments matériels de fraude fiscale et de blanchiment peuvent tous deux prendre la forme d’une « dissimulation ». Il faut donc retenir que le principe ne bis in idem doit être apprécié selon une analyse factuelle et non juridique des éléments matériels des qualifications en cause.

Il est donc aisé de cumuler les infractions de fraude fiscale et de son blanchiment subséquent, pourvu que le juge pénal démontre l’existence de faits matériels distincts à l’appui de chaque qualification.



Cass. crim., 13 déc. 2023, n° 22-81.985, Publié au bulletin

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