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Veille juridique en droit fiscal – du 1er au 31 janvier 2020

Marie-Bénédicte Pain, Pierre Darbo, Bérénice Binazet & Lydie Bientz
Retrouvez la veille juridique en droit fiscal du 1er au 31 janvier 2020 réalisée par l’équipe de contentieux fiscal du cabinet Rivière│Avocats│Associés

 

IS

Le fait de renoncer à percevoir des loyers constitue un acte anormal de gestion pour une société : En application des articles 38 et 209 du CGI, le bénéfice imposable à l’IS est constitué des opérations de toute nature faites par la société. L’administration est en droit de réintégrer dans ce bénéfice les renonciations à recettes ou les abandons de créances consentis par l‘entreprise à un tiers, en ce que ces opérations sont, en raison de leur objet ou de leurs modalités, étrangères à une gestion commerciale normale. La charge de la preuve de ces actes anormaux de gestion repose sur l’administration qui est réputée apporter cette preuve dès lors que l’entreprise n’est pas en mesure de justifier qu’elle a bénéficié en retour de contreparties suffisantes.

En l’espèce, la SA P a mis une maison d’habitation dont elle est propriétaire à la disposition gratuite du dirigeant de la société I. À la suite d’une vérification de comptabilité, l’administration a considéré que cette renonciation à recettes n’était pas justifiée par l’intérêt de la société et était constitutive d’un acte anormal de gestion.

La SA P a interjeté appel contre le jugement par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d’IS, en faisant valoir que l’état de la villa était dégradé, qu’elle avait confié à la société I la rénovation de la villa pour la vendre et que le dirigeant n’y a séjourné que temporairement.

Toutefois, l’administration a démontré que la villa était occupée dès 2010 par le dirigeant et sa femme, qu’ils ont été redevables de la taxe d’habitation au titre des années visées par le contentieux, que des dépenses régulières d’électricité et d’eau ont été constatées et que la société ne produit aucune justification relative à la réalisation effective de travaux nécessitant une consommation d’eau et d’électricité. Partant, l’administration ayant établi qu’en renonçant à percevoir les loyers correspondants auprès des occupants et en l’absence de justification d’une quelconque contrepartie pour la société, la société a consenti un avantage indu, la CAA de Marseille a jugé que le fait de renoncer à percevoir des loyers est, pour une société, constitutif d’un acte anormal de gestion. Les loyers réintégrés ont donc fait l’objet d’une taxation à l’IS pour les années 2012 et 2013. CAA de Marseille, 31 décembre 2019, n° 18MA04580

 

 

Bénéfices industriels et commerciaux 

La caractérisation de l’intention spéculative des cédants de terrains revendus par lots entraîne l’imposition dans la catégorie des BIC et non des plus-values immobilières: L’article 150 U-I du CGI prévoit que les profits résultant de la cession d’un terrain divisé en lots destinés à être construits sont présumés être réalisés dans le cadre de la gestion du patrimoine privé et relèvent, à ce titre, du régime des plus-values immobilières. En revanche, l’article 35-1-3° du CGI énonce que dès lors que le terrain a été acquis en vue du lotissement et de la vente par lots, une intention spéculative est établie de sorte que les profits retirés des opérations de lotissement sont imposables dans la catégorie des BIC ou passibles de l’IS. Cette intention s’apprécie au moment de l’achat du terrain.

En l’espèce, M. et Mme F ont acquis une parcelle de terrain qui, après autorisation de lotir, a été divisée en quatorze lots privatifs. Neuf lots ont été vendus entre 2008 et 2013, après que des travaux de viabilisation et d’aménagement du lotissement ont été réalisés.

Alors qu’ils ont soumis ces opérations au régime des plus-values immobilières, les contribuables ont fait l’objet d’une vérification de comptabilité au terme de laquelle le fisc a taxé dans la catégorie des BIC les profits réalisés et a soumis les opérations correspondantes à la TVA. Les requérants ont contesté cette proposition de rectification. Le TA de Dijon ayant rejeté leur demande, ils ont relevé appel de cette décision.

À l’instar du fisc, la CAA de Lyon a estimé que l’acquisition de ce terrain représente une « opération de commercialisation foncière » et que, les particuliers se comportant « comme des lotisseurs au sens des dispositions du 3° du I de l’article 35 du CGI », ils doivent être imposés dans la catégorie des BIC. Pour confirmer que l’opération relevait de l’imposition dans la catégorie des BIC, la CAA s’est fondée sur le faisceau d’indices suivants : la superficie importante du terrain, le prix élevé d’acquisition, le fait que les contribuables aient subordonné l’acquisition des terrains à l’obtention d’une autorisation de lotir permettant la construction de maisons d’habitation dans le compromis de vente, le fait que les opérations de lotissement sont caractérisées par leur rapidité d’exécution et l’ampleur et le coût élevé des travaux de viabilisation, d’implantation des réseaux et de réalisation des voies de circulation entrepris par les acquéreurs. CAA de Lyon, 17 décembre 2019, n° 18LY02887

 

Mini abus de droit 

L’administration fiscale vient de commenter au BOFiP la procédure d’abus de droit à but principalement fiscal : L’article L. 64 A du LPF a pour objectif d’étendre la clause anti-abus en matière d’IS (issu de la directive « ATAD » du 12 juillet 2016) à l’ensemble des autres impôts. Il permet à l’administration d’écarter comme ne lui étant pas opposables les actes qui, recherchant le bénéfice d’une application littérale de textes ou de décision à l’encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, ont pour motif principal d’éluder ou d’atténuer la charge fiscale qui aurait normalement dû être supportée si l’acte n’avait pas été passé ou réalisé. Cette procédure s’applique pour les rectifications notifiées à compter du 1er janvier 2021 et portant sur des actes réalisés ou passés à compter du 1er janvier 2020.

L’administration fiscale, dans son commentaire au BOFiP, précise désormais que « les décisions susceptibles d’être prises en compte sont celles qui, allant au-delà du simple commentaire de la norme, créent du droit », les instructions administratives comportant une interprétation qui ajoute à la norme, dans un sens favorable au contribuable, ou en l’absence de norme pourront dorénavant créer du droit et servir de fondement à un mini abus de droit par fraude à la doctrine.

Ces dispositions ne visent toutefois que les actes ou montages dépourvus de substance économique. BOI-CF-IOR-30-20-20200131

 

Pacte Dutreil 

Le Conseil d’Etat annule le BOFiP relatif aux critères d’appréciation du caractère prépondérant de l’activité opérationnelle : L’exonération à hauteur de 75 % des droits de mutation à titre gratuit prévue par l’article 787 B du CGI est réservée aux parts ou actions d’une société ayant une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale. Il n’est pour autant pas interdit pour une société d’exercer une activité autre que celles citées, dans la mesure où celle-ci reste accessoire aux précédentes. A cet effet, l’administration fiscale précisait que « le caractère prépondérant de l’activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale s’apprécie au regard de deux critères cumulatifs que sont le chiffre d’affaires procuré par cette activité (au moins 50 % du montant du chiffre d’affaires total) et le montant de l’actif brut immobilisé (au moins 50 % du montant total de l’actif brut) » (BOI-ENR-DMTG-10-20-40-10 §20).

Un recours pour excès de pouvoir (REP) a été formé par M. DA et Mme B contre l’instruction susvisée au motif que le critère tenant à l’actif brut immobilisé ne tenait pas compte de l’affectation des actifs et excluait, de fait, des actifs circulants qui pouvaient être exclusivement affectés à une activité éligible.

Le Conseil d’Etat a fait droit à ce REP et a annulé l’ensemble de l’alinéa de l’instruction administrative contestée, reconnaissant par la même que l’exercice d’une activité civile n’était pas de nature à priver le contribuable de l’avantage fiscal sur la valeur totale des parts transmises à titre gratuit. Il a en outre considéré que la « prépondérance s’apprécie en considération d’un faisceau d’indices déterminés d’après la nature de l’activité et les conditions de son exercice ». Ce faisant, le Conseil d’Etat donne une marge d’appréciation supérieure à celle de l’instruction.

Conseil d’Etat, 23 janvier 2020, n° 435562

 

 

ISF 

L’exclusion de l’abattement de 30 % en cas de détention de la résidence principale via une SCI est constitutionnelle : L’ancien article 885 S du CGI disposait, en matière d’ISF, que « un abattement de 30 % est effectué sur la valeur vénale réelle de l’immeuble lorsque celui-ci est occupé à titre de résidence principale par son propriétaire».

Le Conseil constitutionnel a été saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité à la Constitution de cet article. En effet, les requérants soutenaient que cet article exclut de son bénéfice les personnes qui détiennent leur résidence principale par le biais d’une société civile immobilière (SCI) dont elles sont associées ; exclusion méconnaissant les principes d’égalité devant la loi et devant les charges publiques.

Le Conseil constitutionnel rappelle que cet abattement vise à tenir compte des conséquences, sur la valeur vénale réelle d’un immeuble, de son occupation par son propriétaire à titre de résidence principale. Or, d’une part, puisque l’immeuble qui compose le patrimoine d’une SCI lui appartient en propre, ses associés, même s’ils détiennent l’intégralité des parts sociales, ne disposent pas des droits attachés à la qualité de propriétaire des biens immobiliers appartenant à celle-ci. D’autre part, la valeur des parts détenues au sein d’une SCI ne se confond pas nécessairement avec celle des immeubles lui appartenant.

Le Conseil constitutionnel a donc jugé que législateur a institué une différence de traitement fondée sur une différence de situation et que, par conséquent, l’article 885 S du CGI doit être déclaré conforme à la Constitution. Décision n° 2019-820 QPC du 17 janvier 2020

 

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