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Veille juridique en droit fiscal – du 1er au 30 novembre 2019

Marie-Bénédicte Pain, Pierre Darbo & Lydie Bientz
Retrouvez la veille juridique en droit fiscal du 1er au 30 novembre 2019 réalisée par l’équipe de contentieux fiscal du cabinet Rivière│Avocats│Associés

Pacte Dutreil et entreprise individuelle

Les biens éligibles à l’exonération doivent être nécessaires à l’activité exercée: Les articles 787-B et 787-C du Code général des impôts (CGI) prévoient une exonération partielle de droits de mutation à titre gratuit à concurrence de 75% de leur valeur, sur les transmissions d’entreprises par décès ou entre vifs. Cette exonération partielle est toutefois subordonnée au respect de conditions différentes selon que l’entreprise est exploitée au travers d’une société ou sous la forme individuelle. La doctrine administrative indique que les biens affectés à l’exploitation sont les biens nécessaires à l’exercice de la profession. Ce critère est donc indépendant de la présence du bien à l’actif du bilan.

En l’espèce, un exploitant agricole est décédé laissant pour légataires universels sa nièce et son neveu. Ces derniers ont demandé à bénéficier de l’exonération des droits de succession de l’article 787-C, applicable en matière de transmission d’entreprise individuelle.

L’administration a toutefois considéré que le contribuable avait intégré à son calcul (i.e. des biens susceptibles de bénéficier de l’exonération) des valeurs mobilières et des immeubles qui ne pouvaient pas bénéficier de l’exonération en ce qu’elles étaient largement supérieures à la moyenne des charges d’exploitation.

Les consorts ont saisi la juridiction administrative afin qu’elle déclare que ces biens étaient nécessaires à l’exploitation agricole et qu’ils peuvent, dès lors, bénéficier des dispositions de l’article 787-C.

Après avoir été déboutés par le TGI de Tarbes, la cour administrative d’appel de Pau a rappelé que « si, s’agissant d’une entreprise individuelle, l’inscription des biens au bilan fait présumer le caractère professionnel, l’administration peut combattre cette présomption en démontrant que ce bien n’est pas réellement nécessaire à l’exploitation ». Ainsi, « les liquidités et les placements financiers assimilés sont pris en compte au titre des biens professionnels lorsqu’ils sont inscrits au bilan de l’entreprise, dans la mesure où leur montant ne dépasse pas les besoins normaux de trésorerie de celle-ci et où ils sont nécessaires à l’activité de l’entreprise » ; ce qui n’était pas le cas en l’espèce, puisque l’entreprise individuelle disposait de liquidités bien supérieures à ses charges courantes. Cour d’appel de Pau du 19 novembre 2019, n° 16/03456

LMP et régimes de faveur

Eligibilité de l’activité LMP au régime Dutreil et à l’abattement sur les plus-values professionnelles à long terme ? Le député Christophe-André Frassa a interrogé le gouvernement sur le champ d’application des régimes d’exonération fiscale prévus aux articles 151 septies B et 787-C du CGI à l’activité de location meublée professionnelle et plus particulièrement sur l’éligibilité de la location meublée professionnelle au sens de l’article 155-IV 2 du CGI.

L’article 787-C dispose que l’exonération partielle s’applique notamment aux immeubles « affectés à l’exploitation ». L’ancienne version de la doctrine administrative, en vigueur jusqu’au 05/04/2017 (BOI-BIC-PVMV-20-40-30), citée par le député à l’appui de sa question précisait qu’un « bien est réputé affecté à l’exploitation lorsqu’il est utilisé dans le cadre de l’activité économique exercée par l’entreprise » et que « sont donc exclus de ce dispositif les immeubles de placement, c’est-à-dire les actifs immobiliers utilisés par les entreprises pour en retirer des loyers ou valoriser le capital. Tel est le cas par exemple des immeubles mis à disposition par un loueur en meublé, à titre professionnel ou non  (CGI, art. 155, IV) ». Dès lors, Christophe-André Frassa a demandé au Gouvernement de préciser si l’exclusion des immeubles loués meublés des biens affectés à l’exploitation de l’entreprise est applicable en matière de plus-values professionnelles (article 151 septies B). Or, la doctrine précitée, dans sa version en vigueur actuellement, prévoit que « Sont donc exclus du présent dispositif les immeubles de placement, c’est-à-dire les actifs immobiliers utilisés par les entreprises pour en retirer des loyers ou valoriser le capital. Tel est le cas par exemple des immeubles mis à disposition par un loueur en meublé, à titre non professionnel (CGI, art. 155, IV). En revanche, lorsque l’activité de location en meublé est exercée à titre professionnel au sens du IV de l’article 155 du CGI, les locaux d’habitation meublés mis en location sont réputés affectés à l’exploitation. » Il est donc probable que la réponse se contente de relever que la question fait référence à une doctrine caduque.

Il demande par ailleurs si l’exclusion des immeubles loués meublés est également applicable en matière de droits de mutation à titre gratuit (article 787-C). A cet égard, la doctrine administrative relative aux biens susceptibles de bénéficier de l’exonération partielle de droits de mutation à titre gratuit prévue à l’article 787-B du CGI renvoie à la doctrine administrative sur l’exonération des biens professionnels en matière d’IFI. En revanche, la doctrine administrative relative à l’article 787-C ne fait aucun renvoi et ne s’intéresse pas à l’exonération possible des immeubles loués meublés lors de la transmission d’une entreprise individuelle. Il faudra donc attendre la réponse du Gouvernement à ce dernier sujet. Question écrite n°12911 de M. Christophe-André Frassa, JO Sénat du 31/10/2019

Plus-value immobilière

Le seuil de 15.000 € doit s’apprécier en fonction de prix de chaque transaction : L’article 150 U II-6° prévoit qu’est exonérée la plus-value immobilière dont le prix de cession est inférieur ou égal à 15.000 €. L’article précise que ce seuil s’apprécie en tenant compte de la valeur en pleine propriété de l’immeuble ou de la partie d’immeuble et qu’en cas de cession d’un bien détenu en indivision, il s’apprécie au regard de chaque quote-part indivise.

En l’espèce, des époux avaient vendu quatre emplacements de parking et entendaient se prévaloir du bénéfice de l’exonération pour prix de cession inférieur ou égal à 15 000 € afin d’obtenir la restitution de l’impôt acquitté (i.e. la quote-part indivise en pleine propriété des époux sur chaque emplacement était inférieure à 15.000 €).

À la suite du rejet de leur réclamation, les époux ont saisi le tribunal administratif puis la cour administrative d’appel qui les a déchargés des impositions et prélèvements sociaux en litige. L’administration s’est pourvue en cassation estimant qu’il y avait lieu de prendre en compte « le prix de chaque transaction réalisée, indépendamment du nombre de biens ou de lots vendus à l’occasion de cette transaction ».

Le Conseil d’État a jugé que la cour administrative d’appel avait commis une erreur de droit en jugeant que, pour apprécier le montant de la cession réalisée par les contribuables au regard du seuil de 15.000 €, il convenait de diviser par quatre le prix global sur lequel les cédants s’étaient accordés avec un acquéreur unique, en vue de lui vendre, en vertu d’un même acte de vente, quatre lots distincts et indépendants situés dans un même immeuble.

Il ressort de l’arrêt que lorsque la cession de plusieurs lots distincts et indépendants d’un même immeuble est réalisée dans une transaction unique, le seuil de 15.000 € s’apprécie en tenant compte du prix de chaque opération de cession. Etant donné que la part des époux dans l’indivision était égale, chacun devrait être regardé comme ayant cédé sa part au prix de 46.500€ et ne peut donc bénéficier de l’exonération. Conseil d’Etat, 15 novembre 2019, n°421337

Droits d’enregistrement

Précisions sur l’exonération en cas d’engagement de construire pris dans un acte complémentaire : un tel engagement constitue un évènement permettant de rouvrir un délai de réclamation quant aux droits initialement acquittés : L’article 1594-0 G-A-I du CGI dispose que, sous réserve d’application de l’article 691 bis du CGI, sont exonérées de taxe de publicité foncière ou de droits d’enregistrement, les acquisitions d’immeubles réalisées par des personnes assujetties au sens de l’article 256 A du CGI lorsque l’acquéreur prend, dans l’acte d’acquisition, un engagement de construire un immeuble neuf dans le délai de quatre ans. Cet engagement doit être pris dans l’acte d’acquisition initial.

Pour autant, l’administration fiscale admet, par mesure de tolérance, que « l’engagement puisse être pris dans un acte complémentaire présenté au service des impôts du lieu de situation de l’immeuble en charge de l’enregistrement » (BOI-ENR-DMTOI-10-40-20160601, n°270). Ainsi, lors de la prise d’un engagement de construire postérieurement à l’acte d’acquisition initial, l’acquéreur sera en droit de solliciter un remboursement des droits payés à l’origine. L’administration précise à cet égard « qu’en pareil cas, la restitution des droits de mutation perçus initialement peut être effectuée sur demande formulée dans les limites du délai de réclamation prévu à l’article R. 196-1 du livre des procédures fiscales », ce qui a pour effet d’encadrer dans le temps la prise d’engagement de construire postérieurement à l’acte.

Or, selon les dispositions du b de l’article R. 196-1 du livre des procédures fiscales (LPF), le délai de prescription expire au 31 décembre de la 2ème année suivant le versement de l’impôt et a pour point de départ l’année « du versement des droits » de mutation à titre onéreux afférents à l’acte de vente dont le contribuable demande remboursement.

Pourtant, la cour d’appel de Paris considère, sur le fondement du c de l’article R. 196-1 du LPF (i.e. début du délai = réalisation de l’événement qui motive la réclamation) que la prise d’un engagement de construire postérieurement à l’acte initial (en l’espèce le 26 juin 2014, soit environ 6 mois après le délai de forclusion) de l’article R. 196-1 du LPF) constitue un évènement qui motive la réclamation et c’est donc à compter de cet évènement (la prise d’un engagement de construire le 26 juin 2014) que débute le délai de forclusion qui, en l’espèce, s’achevait le 31 décembre 2016.

La demande de remboursement étant intervenue le 4 juillet 2014, elle était donc, selon la Cour, recevable. Cour d’appel de Paris, 18 novembre 2019 n°18/09394

 

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