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Veille juridique en droit fiscal – du 1er au 31 octobre 2019

Marie-Bénédicte Pain, Pierre Darbo & Lydie Bientz
Retrouvez la veille juridique en droit fiscal du 1er au 31 octobre 2019 réalisée par l’équipe de contentieux fiscal du cabinet Rivière│Avocats│Associés

 

PLF 2020

La première partie du projet de loi de finances pour 2020 a été votée à l’Assemblée nationale le 22 octobre 2019 : En sus des modifications énoncées dans notre précédente veille (cf. Veille juridique – septembre 2019) et, pour la plupart, adoptées, l’Assemblée nationale a accepté un amendement portant sur l’actualisation des valeurs locatives prises en compte pour le calcul de la taxe d’habitation. L’Assemblée nationale a décidé de revaloriser de 0,9% en 2020 les bases locatives pour la taxe d’habitation due par les propriétaires des résidences principales, alors que le gouvernement voulait geler ces dernières.

Quant à l’amendement prévoyant la suppression du dispositif Malraux à compter du 1er janvier 2024 ce dernier est retiré à la suite des nombreuses réactions engendrées (cf. notre bulletin).

BIC

Le Conseil d’Etat précise le mode de calcul de la valeur d’un usufruit temporaire de parts d’une SCI : En l’espèce, par acte sous seing privé du 28 décembre 2009, la SCI L a cédé à la société HRL (à l’IS), détenue indirectement par les associés de la SCI, l’usufruit de la totalité de ses parts sociales pour une durée de vingt ans et un montant total de 460 €.

Après un contrôle sur pièces, l’administration fiscale a remis en cause l’évaluation de la valeur de cet usufruit qu’elle a estimée très inférieure à la valeur vénale réelle de l’usufruit des titres cédés. Elle a donc rehaussé l’actif net de la société HRL de la différence entre cette valeur vénale réelle et celle inscrite à l’actif (cotisations d’IS subséquentes).

L’administration a alors déterminé la valeur attendue de l’usufruit provisoire des parts de la SCI L sur la base de la capitalisation, avec taux d’actualisation de 5%, des résultats nets d’activité de la société avec un abattement de 33,33% correspondant à une imposition théorique à l’impôt sur les sociétés.

Le Conseil d’État indique que l’usufruitier, en cas de démembrement de droits sociaux, n’a droit qu’aux dividendes distribués.

Dès lors, pour évaluer l’usufruit des parts d’une SCI non cotée cédé à une société d’exploitation, il convient, non pas de tenir compte des résultats imposables prévisionnels de la société mais « de retenir le flux de trésorerie remontant à la société d’exploitation sur la base des distributions prévisionnelles, dont le montant peut être fonction des annuités prévisionnelles de remboursement d’emprunts ou des éventuelles mises en réserves pour le financement d’investissements futurs, lorsqu’elles sont justifiées par la société ».

La CAA a commis une erreur de droit en retenant la méthode de l’administration ; les cotisations supplémentaires d’IS sont annulées.

Conseil d’État, 30 septembre 2019, n°419855

 

BIC

La simple intention de louer en meublé caractérise l’activité commerciale de la SCI : Pour rappel, une SCI relevant de l’IR donnant habituellement en location des locaux garnis de meubles doit être regardée comme exerçant une activité commerciale au sens de l’article 34 du CGI et, par suite, est passible de l’IS par application du 2 de l’article 206 du CGI.

En l’espèce, une SCI, propriétaire d’un studio, a acquis, en février et juillet 2013, des meubles pour le studio qu’elle a rénové et les a comptabilisés en charges. Par ailleurs, au cours de cette même année, elle a conclu un contrat de gestion immobilière avec une agence portant sur la location d’un studio neuf et meublé. Le bien n’a toutefois été effectivement loué qu’à compter de janvier 2014.

L’administration fiscale a refusé aux associés l’imputation des déficits fonciers constatés par la SCI sur leur revenu imposable au titre de l’année 2013 et procédé à des redressements considérant que la SCI s’était livrée à une activité commerciale de location meublée dès 2013, la rendant passible de l’IS.

Pour la cour administrative d’appel de Paris,  la simple intention de procéder à des locations meublées ou la réalisation d’actes préparatoires, en l’absence de location effective, suffit à caractériser l’activité commerciale de la SCI propriétaire du bien « quand bien même elle n’a perçu aucun loyer au cours de cette année (i.e. 2013) ».

Le refus de l’imputation des déficits fonciers est confirmé.

CAA de Paris, 3 octobre 2019, n°18PA03648

 

Comité de l’abus de droit fiscal

Nouveaux avis concernant le mécanisme de l’apport-report avec soulte (150-0 B ter du CGI) et une donation déguisée dans une cession avec rente viagère: Lors de ses deux dernières séances, le Comité de l’abus de droit fiscal a admis que l’administration était en droit de mettre en œuvre la procédure de répression de l’abus de droit fiscal de l’article L.64 du LPF dans les situations suivantes :

  • Dans la première, le Conseil a considéré que, si le législateur a admis précédemment que l’opération d’apport de titres à une société contrôlée par l’apporteur bénéficie intégralement, y compris pour la soulte, du report d’imposition dès lors que le montant de la soulte appréhendée par le contribuable n’excède pas 10 % de la valeur nominale des titres reçus, l’octroi d’une telle soulte doit s’inscrire dans le respect du but que le législateur a entendu poursuivre. Ce but « n’est pas respecté si l’octroi de la soulte (i.e. même si elle n’excède pas 10% de la valeur nominale des titres reçus) ne s’inscrit pas dans le cadre de l’opération de restructuration d’entreprise mais est en réalité uniquement motivé par la volonté de l’apporteur des titres d’appréhender en franchise immédiate d’impôt des liquidités détenues par la société dont les titres sont apportés et faisant ainsi l’objet d’un désinvestissement ». L’administration était donc fondée à mettre en œuvre la procédure de l’abus de droit fiscal pour restituer son véritable caractère de distribution à la mise à disposition de la soulte réalisée ;
  • Dans la seconde, au sujet de la cession d’une résidence principale avec réserve du droit d’usage et d’habitation au profit du cédant, oncle de la cessionnaire, moyennant un prix converti intégralement en une rente annuelle et viagère payable par termes mensuels, l’administration a considéré qu’il s’agissait en réalité d’une donation déguisée et a mis en œuvre la procédure de l’abus de droit fiscal. Le Comité constate que la vente a été conclue sans bouquet et que le droit d’usage et d’habitation fixé à la moitié de la valeur du bien était manifestement surévalué. Il constate également que les revenus de la cessionnaire sont insuffisants pour s’acquitter de la rente viagère et que la débirentière a perçu des chèques et espèces prélevés sur le compte bancaire détenu conjointement par la crédirentière et son mari et alimenté des seuls revenus de ce dernier, ce qui constitue une rétrocession par le crédirentier à la débirentière, révélatrice de la volonté du défunt de ne pas percevoir le prix du bien prétendument vendu. Il en conclut que l’intention libérale doit de la sorte être regardée comme étant caractérisée et que l’administration est fondée à mettre en œuvre la procédure de l’abus de droit fiscal.

Séance du 7 juin 2019 : avis rendus par le comité de l’abus de droit fiscal commentés par l’administration (CADF/AC n° 6/2019).

Séance du 16 mai 2019 : avis rendus par le comité de l’abus de droit fiscal commentés par l’administration (CADF/AC n° 5/2019).

 

Plus-value de cession de valeurs mobilières

Le Conseil d’Etat précise la computation du délai de deux ans concernant l’abattement renforcé des dirigeants partant à la retraite : En application de l’article 150-0 D ter du CGI, le dirigeant de PME qui cède ses titres peut bénéficier d’un abattement spécifique sur la plus-value réalisée, à condition de cesser toute fonction dans la société dont les titres ou droits sont cédés et faire valoir ses droits à la retraite dans les deux années suivant ou précédant la cession.

En l’espèce, le cédant, alors président d’une SAS, ayant fait valoir ses droits à la retraite à effet au 1er janvier 2009, a cédé la totalité des titres détenus dans cette société le 8 décembre 2010 et demandé à être exonéré d’IR sur la plus-value réalisée compte-tenu de l’application de l’abattement alors en vigueur. Le cédant a ensuite signé un contrat de travail avec la société cessionnaire à effet au 1er janvier 2011, selon lequel il devait continuer à exercer ses fonctions de directeur de la SAS jusqu’à la désignation d’un nouveau directeur.

Il a fait l’objet d’un contrôle sur pièces et au terme duquel l’administration fiscale a remis en cause l’application de cet abattement considérant qu’il n’avait pas cessé toute fonction au sein de la société.

Le Conseil d’Etat rappelle que l’abattement pour durée de détention pour le calcul de la plus-value de cession de titres est notamment subordonné « à la double condition que le cédant ait cessé toute fonction dans la société cédée et qu’il ait fait valoir ses droits à la retraite, au cours d’une période de quatre années allant de deux ans avant à deux ans après la cession ».

De plus, ces dispositions « n’imposent ni que la cessation de fonction intervienne avant la mise à la retraite ou inversement, ni que ces deux événements interviennent tous deux soit avant, soit après la cession, ni enfin qu’ils se succèdent dans un délai plus rapproché que la période de quatre années précédemment indiquée ».

Ainsi, il ajoute que pour apprécier la cessation des fonctions du contribuable au sein de la société« le seul délai susceptible d’être opposé devait être apprécié au regard de la date de cession des titres (8 décembre 2010) » et non en tenant compte d’un délai de deux ans suivant l’admission à la retraite du contribuable (1er janvier 2009) -qui avait été admis par la CAA pour refuser à ce dernier le bénéfice de l’abattement.

Les cotisations supplémentaires d’IR et de cotisations sociales sont annulées.

Conseil d’État, 16 octobre 2019, n°417364

 

Pour télécharger notre veille en pdf, veuillez cliquer sur le lien.

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