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Allongement du délai de reprise à 10 ans (art. L. 188 C LPF) : le Conseil d’État précise les contours de la nouvelle notion de « procédure judiciaire »


Ainsi qu’il a été exposé dans notre précédent bulletin, l’existence d’une procédure pénale peut entraîner un allongement du délai de reprise de l’administration fiscale. À ce titre, l’article L. 188 C du LPF permet à l’administration de voir son délai de reprise allongé jusqu’à 10 ans en cas de révélation, par une procédure judiciaire, d’une omission ou insuffisance de déclaration.

Ce terme de procédure judiciaire a été substitué à la restrictive notion d’instance devant les tribunaux par la Loi de finances rectificative pour 2015.

Dans un arrêt rendu le 5 février dernier, le Conseil d’État a précisé les contours de cette nouvelle notion de procédure judiciaire en précisant qu’une enquête préliminaire ou de flagrance, ainsi que l’examen des poursuites par le parquet entrent dans cette qualification.

En l’espèce, à la suite d’une vérification de comptabilité, l’administration fiscale a, en 2017, notifié à une société des rectifications, notamment en matière d’IS, portant sur les exercices clos en 2014 et 2015, mais aussi sur ceux des années 2006 à 2013, pourtant normalement prescrites. Elle se fondait pour ce faire sur l’article L. 188 C du LPF et sur des procès-verbaux d’auditions de l’ancien dirigeant contenus dans un bulletin de signalement de gendarmerie de 2016 faisant état de marges arrières non déclarées.

Après une vaine réclamation devant le TA de Montpellier, la CAA de Toulouse a prononcé la décharge des redressements et pénalités au titre des exercices clos de 2006 à 2013 au motif que lors de la réception du bulletin de la gendarmerie, aucune instance devant les juridictions répressives n’était encore ouverte.

Ce raisonnement s’ancrait dans une jurisprudence établie sous l’empire de l’ancienne rédaction de l’article L. 188 C du LPF, laquelle avait circonscrit la notion d’instance en considérant que « seul l’engagement de poursuites doit être regardé comme ouvrant l’instance », à l’exception donc de l’ouverture d’une enquête préliminaire et de l’examen des poursuites par le ministère public (CE, 30 décembre 2014, n° 371652).

La Cour administrative d’appel a été censurée par le Conseil d’État qui, s’appuyant directement sur les travaux préparatoires de la Loi de finances rectificative pour 2015, a pris acte de la volonté du législateur, affirmant que ce dernier avait entendu étendre l’application du délai spécial de reprise « aux cas dans lesquels la révélation d’omissions ou insuffisances d’imposition intervient avant même l’ouverture d’une instance devant les tribunaux répressifs, dans le cadre d’une procédure judiciaire telle qu’une enquête préliminaire, une enquête de flagrance ou lors de l’examen des poursuites par le ministère public ».

Si ce revirement apparaît peu surprenant au regard de l’intention clairement exprimée par le législateur au travers de la modification législative, le risque que l’administration contourne les règles de prescription est désormais patent. Il n’est pas exclu qu’elle provoque l’ouverture d’une enquête en déposant une plainte, dans l’unique but de se placer sous le régime de l’article L. 188 C et de bénéficier ainsi d’un allongement du délai de reprise…

CE, 9ème et 10ème chambres réunies, 5 février 2025, n° 487980.


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