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Veille fiscale – du 1er au 31 octobre 2021

 

Plus-value & démembrement, Quotient & déficit global, Plus-value immobilière & résidence principale, DEJ & taxation d’office, Annulation de cession de parts & répartition fiscale du résultat, SCI familiale & fictivité

 

 

Marie-Bénédicte Pain, Bérénice Binazet, Lydie Bientz, Olivier Naulot & Arnaud Mezergues

 

Retrouvez la veille fiscale du 1er au 31 octobre 2021 réalisée par l’équipe de contentieux fiscal et ingénierie patrimoniale du cabinet Rivière│Avocats│Associés

 

 

Plus-value sur titres démembrés : qui est imposable ?

Un récent arrêt du Conseil d’État est venu rappeler que l’imposition de la plus-value constatée à l’occasion de la cession conjointe de leurs droits par l’usufruitier et le nu-propriétaire dépend du sort réservé au fruit de la cession.

Si le prix de cession des droits démembrés est réparti entre l’usufruitier et le nu-propriétaire, chacun est imposable selon la valeur respective de ses droits.

Néanmoins, les parties peuvent avoir contractuellement décidé de constituer un quasi-usufruit sur la somme reçue en contrepartie de la cession. Dans ce cas, le droit d’usufruit étant reporté sur le prix de cession, l’imposition pèse sur l’usufruitier. En revanche, s’il était convenu que le prix de cession serait nécessairement remployé dans l’acquisition d’autres titres, c’est le nu-propriétaire qui devient imposable.

Qu’en est-il au cas où l’usufruitier bénéficie d’une simple faculté de remploi du produit de la cession des titres ? Dans une affaire soumise au Conseil d’État, l’usufruitier, pour contester le redressement qui lui avait été notifié, prétendait que seul le nu-propriétaire des sommes était redevable de l’impôt dès lors que l’acte prévoyait un remploi.

Pour en savoir plus, consultez notre brève sur le sujet ici.

Conseil d’État N° 429187 9ème – 2 avril 2021

 

 

Système du quotient et déficit global : la jurisprudence du Conseil d’État menacée

Afin d’atténuer les effets de la progressivité de l’impôt sur le revenu, le Code général des impôts prévoit un dispositif spécifique applicable en cas de perception d’un revenu exceptionnel (prime de départ en retraite par exemple).

Ce dispositif, appelé système du quotient, consiste :

– 1° à calculer l’impôt dû sur les revenus ordinaires,

– 2° à calculer l’impôt dû sur le revenu ordinaire augmenté d’un quart du revenu exceptionnel,

– 3° à multiplier par quatre le supplément ainsi obtenu et l’ajouter à l’impôt dû au titre de l’année de perception du revenu.

En présence d’un revenu global ordinaire déficitaire au titre de l’année de perception du revenu exceptionnel (après un investissement Monument Historique, par exemple), l’administration fiscale estimait que, pour le calcul du quotient, il convenait :

– non pas de calculer l’impôt lié au quotient sur le 1/4 du revenu exceptionnel cumulé au déficit global (ce qui peut aboutir à un impôt nul en cas de déficit compensant ce quart de revenu exceptionnel, impôt qui reste nul après multiplication par 4 !),

– mais d’imputer le déficit global ordinaire sur le revenu exceptionnel avant de diviser ce montant global par 4 et de calculer l’impôt y afférent (impôt qui est ensuite multiplié par 4).
Cette interprétation de l’administration fiscale a été annulée par le Conseil d’État (28 décembre 2016, arrêt n°384465), qui l’a jugée contraire aux dispositions de l’article 163-0 A du Code général des impôts.

Le répit aura été de courte durée puisque le gouvernement a présenté un amendement au projet de loi de finances pour 2022 proposant, « dans le souci de prévenir toute optimisation de la part de contribuables », de modifier l’article 163-0 A du Code général des impôts afin de valider l’ancienne interprétation de l’administration fiscale.
Pour en savoir plus, consultez notre brève sur le sujet ici.

Projet de loi de finances pour 2022 – Amendement n°I-1520

 

 

Plus-value immobilière et résidence principale : les consommations d’eau et d’électricité en tête des indices pouvant faire échec à l’exonération

Pour rappel, l’article 150 U-II du CGI prévoit des cas d’exonération d’impôt sur la plus-value des ventes immobilières, au premier rang desquels figure l’exonération de la résidence principale du vendeur.

Le juge de l’impôt et l’administration fiscale peuvent toutefois contester la qualité de résidence principale de l’immeuble cédé afin de faire obstacle à l’application de cette exonération.

Dans ses deux décisions du 28 septembre 2021, la CAA de Versailles écarte la notion de résidence principale de l’immeuble cédé par les contribuables en recourant à la méthode du faisceau d’indices. La cour se base sur le fait qu’à la date de la cession incriminée ils avaient conservé la jouissance de leur ancienne résidence principale et que les consommations relatives au bien cédé ne démontraient pas qu’ils avaient véritablement résidé à titre principal dans ce nouveau bien et cessé d’occuper le précédent.

Pour en savoir plus, consultez notre brève sur le sujet ici.

CAA de VERSAILLES, 3ème chambre, 28 septembre 2021, n°19VE02484 et n°19VE02485

 

 

Procédure de rectification fiscale : après demande d’éclaircissements et de justifications, un contribuable peut être taxé d’office sans mise en demeure préalable si sa réponse est dépourvue de justifications ou si elles sont invérifiables

Pour rappel, l’article L. 16 du Livre des procédures fiscales permet à l’administration fiscale de s’adresser au contribuable en vue d’obtenir des éclaircissements et justifications sur certains points déterminés dans le but d’établir son impôt. Ce dernier dispose alors d’un délai qui ne peut être inférieur à deux mois pour répondre aux demandes qui lui sont faites.

Deux hypothèses ressortent initialement de cet article :

– soit le contribuable ne répond pas dans le délai requis : il peut être imposé d’office sans mise en demeure préalable ;

– soit le contribuable répond dans le délai requis mais de manière insuffisante : il ne peut être imposé d’office qu’après mise en demeure préalable et s’il ne complète pas valablement ses réponses. Cette mise en demeure correspond donc à une garantie offerte au contribuable.

Toutefois, dans sa décision en date du 3 février 2021, le Conseil d’État a ouvert la porte à une troisième hypothèse ressortant de l’article L. 16 du PLF en jugeant que lorsque le contribuable, bien qu’ayant répondu dans le délai requis, n’a apporté que « des réponses imprécises ou invérifiables, sans les assortir d’éléments de justification », il peut faire l’objet d’une taxation d’office sans mise en demeure préalable de l’administration fiscale.

Pour en savoir plus, consultez notre brève sur le sujet ici.

CE, 9e et 10e chambres, 3 février 2021, n°430852

 

 

Sociétés de personnes : l’annulation d’une cession de parts ne modifie pas rétroactivement la répartition fiscale du résultat

Une SCI avait été constituée entre deux personnes, disposant chacune de quinze parts sociales. L’un des associés avait, en 2011, cédé quatorze de ses parts à l’autre. Au titre de l’année 2011, l’associé acquéreur avait donc déclaré sa quote-part du résultat fiscal à hauteur de 29/30ème correspondant à sa participation à la clôture de l’exercice. Mais l’acte de cession de parts avait été ultérieurement annulé par le TGI, en raison d’un vice du consentement.

A la suite d’une vérification de comptabilité, le résultat de la SCI relatif aux années 2010 et 2011 avait été substantiellement rehaussé ; ce supplément d’imposition avait donc été réparti entre les associés pour la part correspondant à leurs droits dans la société au titre de ces années, qui, au passage, écopaient également d’une majoration de 80 %.

Se fondant sur le caractère rétroactif de l’annulation (article 1178 alinéa 2 du Code civil), l’associé qui avait supporté 29/30ème du redressement prétendait que l’annulation de l’acte de cession de parts aurait dû ramener sa part dans le résultat (et la majoration) à celle résultant de la situation antérieure à la cession.

Dans un arrêt du 20 juillet 2021, le Conseil d’État juge que l’annulation de la convention ayant pour effet d’établir une répartition des résultats différente de celle résultant des statuts n’a pas rétroactivement pour effet de modifier la répartition de l’imposition.

Pour en savoir plus, consultez notre brève sur le sujet ici.

CE, 20 juillet 2021, 434029

 

 

Abus de droit : attention à la fictivité dans le cadre des SCI familiales

Une décision du comité de l’abus de droit fiscal vient rappeler selon quels critères il considère qu’une société est fictive – et devient ainsi susceptible de tomber dans le champ d’application de l’abus de droit.

Une contribuable avait apporté la nue-propriété d’un immeuble à une SCI, dont elle avait ensuite donné les titres à son frère, sa nièce et son neveu. Avantage du procédé : la nue-propriété avait fait l’objet d’une évaluation économique lors de l’apport en société (pour 166 000 euros), et la donation portait donc sur des titres valorisés au même montant, alors qu’en cas de donation de la nue-propriété de l’immeuble, la valorisation aurait été deux fois supérieure (325 000 euros) par application de l’article 669 (qui, pour le calcul des droits de mutation, détermine la valeur fiscale de la nue-propriété et de l’usufruit selon l’âge du donateur).

L’administration fiscale avait remis en cause l’opération, considérant que la SCI était fictive et n’avait été constituée que pour permettre la transmission de la nue-propriété de l’immeuble en évitant l’application de l’article 669 du CGI. Elle procédait donc à un redressement des droits de mutation calculés sur la valeur de la nue-propriété de l’immeuble selon le barème de l’article 669, outre une pénalité de 80%, et mettait en œuvre la procédure de l’abus de droit.

Le comité de l’abus de droit a estimé que l’administration était fondée à utiliser cette procédure ; il rappelle pour ce faire les critères selon lesquels il juge de la fictivité d’une société.

Pour en savoir plus, consultez notre brève sur le sujet ici.

Comité de l’abus de droit fiscal, séance 2/2021, 14 janvier 2021, aff.2020-17

 

 

Apport en société d’un usufruit viager préconstitué : doute quant à l’application de l’article 13-5 du CGI

Selon l’article 13-5 du CGI, le produit résultant de la première cession à titre onéreux d’un même usufruit temporaire est imposable au nom du cédant, non pas comme plus-value, mais « dans la catégorie de revenus à laquelle se rattache, au jour de la cession, le bénéfice ou le revenu procuré par le bien ou le droit sur lequel porte l’usufruit cédé ». A contrario, la première cession d’un usufruit viager n’entre pas dans le champ d’application de ce texte, et son produit est imposable comme plus-value.

La jurisprudence se divise sur le point de savoir si l’apport pour trente ans d’un usufruit viager à une société doit être considéré comme une cession temporaire qui relèverait des dispositions anti-abus de l’article 13-5 du Code général des impôts ou si elle doit être imposé au titre des plus-values. En effet selon l’article 619 du Code civil, la durée maximale pour laquelle un usufruit peut être apporté à une personne morale est de 30 ans. La cession par le détenteur d’un usufruit viager à une personne morale serait donc nécessairement limitée à 30 ans.

S’agissant d’une telle cession d’usufruit à une personne morale, la doctrine administrative précise que, « si l’usufruit est préconstitué sur la tête du cédant antérieurement à la cession, la cession porte sur un usufruit viager et à ce titre, n’entre pas dans le champ d’application des dispositions du 5 de l’article 13 du CGI, à moins que l’usufruit ne soit consenti pour une durée fixe. » (BOI-IR-BASE-10-10-30 n° 90).

Très récemment, la Cour administrative d’appel de Paris a, à l’inverse, jugé que « dans l’hypothèse où une personne physique entend céder à titre onéreux un usufruit viager à une personne morale, cette cession, lorsqu’elle est consentie pour une durée de trente ans, ne doit pas être regardée comme portant sur un usufruit temporaire », et n’entre donc pas dans le champ d’application de l’article 13-5 du Code général des impôts, « qui s’agissant d’un dispositif anti-abus ayant pour finalité de rendre moins attractif les montages utilisant un usufruit temporaire (…) ne doit pas être interprété de manière extensive ».

Pour en savoir plus, consultez notre brève sur le sujet ici.

CAA Paris, 5 octobre 2021, 20PA01257

 

 

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