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IFI et dettes afférentes à la résidence principale : la position de l’administration fiscale serait-elle illégale ?

 

Depuis le 1er janvier 2018, l’ISF est supprimé et remplacé par l’IFI (nouveaux articles 964 à 983 du CGI) qui cible le seul patrimoine immobilier. Comme en ISF, la résidence principale continue de bénéficier d’un abattement de 30% sur sa valeur vénale libre. Toutefois, dans la notice destinée à aider les contribuables à remplir leur déclaration IFI (impôt sur la fortune immobilière), l’administration fiscale considère que les dettes contractées pour son acquisition ne sont déductibles qu’a hauteur de 70 % en raison de l’abattement. Cette position diffère de celle retenue pour l’ISF et nous semble contestable.

 

LES REGLES APPLICABLES EN ISF / IFI

L’abattement au titre de la résidence principale


En ISF comme en IFI, l’immeuble constituant la résidence principale du contribuable au 1er janvier de l’année rentre dans le champ d’application de l’impôt.

Comme en matière de droits de mutation à titre gratuit, les biens immobiliers sont retenus pour leur valeur vénale au jour du fait générateur de l’impôt. Cette valeur dépend des spécificités du bien et notamment de son état d’occupation.

La Cour de Cassation a jugé que la valeur vénale de la résidence principale devait être déterminée après application d’un abattement sur la valeur vénale libre (Jurisprudence Fleury – Cass. Com. 13 février 1996).

Cette jurisprudence a été légalisée avec l’ancien article 885 S du CGI (ISF) et le nouvel article 973 du CGI (IFI) lesquels prévoient un abattement de 30 % sur la valeur de la résidence principale.


Déductibilité des dettes afférentes à la résidence principale

Pour l’ISF, les dettes contractées pour des biens hors assiette ou exonérés n’étaient pas déductibles (ancien article 885 G quater).

L’abattement de 30% n’étant pas une exonération, les dettes relatives à la résidence principale pouvaient être déduites en totalité (position confirmée par la doctrine fiscale).

Pour l’IFI, le nouvel article 974 relatif à la déduction du passif prévoit que: « sont déductibles (…) les dettes (…) afférentes à des actifs imposables et, le cas échéant, à proportion de la fraction de leur valeur imposable ».

 

Si la notion de fraction imposable remplace celle d’exonération, la logique est la même et ne peut justifier le revirement de l’administration fiscale sur ce sujet.

 

LA POSITION DE L’ADMINISTRATION FISCALE

Ce qu’elle nous dit

 

La notice concernant la déclaration de l’IFI, publiée le 25 avril 2018, rappelle les règles applicables et donne des indications sur les montants à déclarer.

Dans la partie afférente aux biens immobiliers imposables, il est fait mention de l’abattement de 30% applicable à la résidence principale.

Dans la partie consacrée au passif déductible, l’administration fiscale indique que les dettes contractées pour des biens qui n’entrent pas dans l’assiette de l’IFI, ou qui en sont exonérés, ne sont pas déductibles.

Elle précise que pour les biens partiellement exonérés ou bénéficiant d’un abattement légal, les dettes ne sont imputables qu’à concurrence de la fraction taxable à l’IFI.
Elle en déduit que, pour la résidence principale, du fait de l’abattement de 30%, les dettes contractées pour son acquisition ne sont déductibles qu’à hauteur de 70 % de leur valeur.


En quoi est-ce contestable ?

  • L’article 974 du CGI prévoit une déductibilité des dettes à proportion de la fraction imposable.
  • Limiter la déductibilité des dettes à 70% voudrait dire que la résidence principale est partiellement exonérée (la « fraction imposable » ne serait que de 70%).
  • Or, la « fraction imposable » demeure bien 100% de la valeur vénale de la résidence principale, l’abattement prévu par la loi n’étant qu’une règle d’évaluation (application d’une décote pour occupation).
  • La doctrine administrative relative à l’ISF avait reconnu explicitement que l’abattement légal ne constituant pas une exonération, un emprunt contracté pour son acquisition était déductible en totalité.
  • Concernant l’abattement de 30%, les dispositions applicables en IFI reprennent la même rédaction que celles applicables en ISF.

Valeur de la notice

D’après la jurisprudence et la doctrine administrative, les notices ou formulaires qui aident les contribuables à remplir leurs déclarations ne peuvent pas être considérés comme une prise de position formelle de l’administration fiscale et ne sont donc pas opposables. Aucun recours pour excès de pouvoir ne peut donc être exercé contre la notice.

En pratique ?

Deux choix s’offrent aux contribuables :

  1. Déclarer 100% des dettes afférentes à la résidence principale avec un risque de redressement assorti de pénalités et intérêts de retard.
  1. Déclarer 70% des dettes et initier une réclamation contentieuse pour demander la prise en compte de l’intégralité de la dette. En cas de gain de cause, l’impôt remboursé sera majoré d’un intérêt de retard au taux annuel de 2,4%. Cette solution est donc à privilégier.

Pour information

  • La doctrine fiscale relative à l’IFI sera disponible au plus tard le 8 juin.
  • La date limite de dépôt des déclarations IFI a été reportée au 15 juin 2018.

 

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