Marie-Bénédicte Pain, Lydie Bientz & Lucas Thieurmel
Retrouvez la veille fiscale et patrimoniale de avril, mai et juin 2023 réalisée par l’équipe de contentieux fiscal et ingénierie patrimoniale du cabinet Rivière Avocats Associés
- Doublement du plafond d’imputation des déficits : le décret enfin publié !
En principe, l’article 156 I, 3° du CGI prévoit la possibilité d’imputer sur le revenu global, le déficit foncier réalisé dans la limite de 10.700 €. Toutefois, l’article 12 de la loi de finances rectificative pour 2022 a réhaussé ce plafond à 21.400 € pour les propriétaires bailleurs réalisant certains travaux de rénovation énergétique limitativement énumérés. Cette mesure vise les dépenses :
- ayant fait l’objet d’un devis accepté à compter du 5 novembre 2022 ;
- et facturées entre le 1er janvier 2023 et le 31 décembre 2025.
Afin de permettre l’application de cette mesure, le décret du 21 avril 2023, codifié à l’article 41 DO de l’annexe 3 au CGI est venu préciser les dépenses de travaux ouvrant droit au doublement du plafond de déficit foncier déductible du revenu global.
(cf. bulletin pour plus de précisions).
- Meublé et SCI : La location interposée par des associés minoritaires n’entraîne pas l’assujettissement à l’IS
Si par principe, la location de biens est une activité de nature civile, on sait que la location meublée constitue une activité commerciale au sens fiscal. Dès lors, une SCI qui exercerait une activité de location meublée risquerait une requalification fiscale, perdant le bénéfice du régime fiscal des sociétés de personnes (IR), et serait soumise à l’impôt sur les sociétés.
Par un arrêt du 31 mars 2023, qui a l’honneur d’une publication inédite au recueil Lebon, la Cour administrative d’appel de Marseille rappelle que, pour qu’elle soit soumise à l’IS, encore faut-il que la SCI mette elle-même en location meublée.
Pour en savoir plus, consultez notre brève sur le sujet ici.
CAA Marseille, 2ème chambre, 31 mars 2023, 21MA00318
- Contentieux fiscal : Compte étranger déclaré partiellement : la prescription longue de 10 ans ne s’applique pas
En principe, le délai de reprise de l’administration en matière d’IR est de 3 ans. Toutefois, lorsque les obligations déclaratives de l’article 1649 AA du CGI ne sont pas respectées, le délai de reprise est étendu jusqu’à la fin de la dixième année qui suit celle au titre de laquelle l’imposition est due (article L 169 LPF). Comme nous l’expliquions dans un précédent bulletin (lire en ligne), l’article 1649 AA du CGI impose de déclarer les références des contrats de capitalisation et des contrats d’assurance vie souscrits hors de France. Pour déterminer le délai de prescription applicable à défaut de déclaration d’avoirs ou de revenus tirés d’avoirs situés à l’étranger, la CAA de Nantes, dans un arrêt en date du 23 décembre 2022, a repris la distinction opérée par la jurisprudence de la CJUE en la matière (arrêt X et Passenheim-van Schoot (C-155/08 et C-157/08).
Pour en savoir plus, consultez notre brève sur le sujet ici.
CAA Nantes, 1re ch., 23 déc. 2022, n° 20NT03961
- Revenus fonciers : Le Conseil d’État précise les contours de l’indissociabilité des dépenses de travaux
En matière de revenus fonciers, les dépenses de construction, de reconstruction et d’agrandissement ne sont jamais déductibles. Des travaux d’aménagement interne, quelle que soit leur importance, ne peuvent être regardés comme des travaux de reconstruction que s’ils affectent notablement le gros œuvre ou s’il en résulte une augmentation du volume ou de la surface habitable.
La qualification de la nature des travaux est à l’origine d’un contentieux fourni et l’administration fiscale se prévaut souvent, pour faire obstacle à la déduction, d’une opération générale dont elle déduit le rejet de la globalité des travaux pour un motif d’indissociabilité.
C’est sur ce concept d’indissociabilité que le Conseil d’Etat s’est prononcé.
Pour en savoir plus, consultez notre brève sur le sujet ici.
Conseil d’État, 8ème chambre, 12 mai 2023, 464489
- TVA sur marge : une nouvelle application du principe dégagé par la CJUE !
En principe, l’article 268 du CGI soumet les opérations de livraisons de terrain à bâtir à la TVA sur marge lorsque l’acquisition par le cédant dudit terrain ne lui a pas ouvert de droit à déduction de la TVA. Pour rappel, la TVA sur marge permet de réduire l’assiette de la TVA en cas de cession à seulement la différence entre :
- Le prix de cession et les charges qui s’y ajoutent
- Et les sommes que le cédant a versées, à quelque titre que ce soit, pour l’acquisition du terrain ou de l’immeuble.
Récemment, le Conseil d’Etat a eu à se prononcer sur les conditions d’application de la TVA sur marge.
Pour en savoir plus, consultez notre brève sur le sujet ici.
Conseil d’État, 9ème chambre, 18/04/2023, 468094, Inédit au recueil Lebon
- Saisine de l’interlocuteur départemental : entre absence de condition et délai raisonnable !
L’article L. 10 du LPF prévoit que les dispositions mentionnées dans la charte du contribuable vérifié sont opposables à l’administration. Cette charte prévoit, en matière de contrôle sur place, la possibilité pour le contribuable de faire appel à un interlocuteur départemental désigné par le directeur dont dépend le vérificateur si des divergences subsistent à la suite de l’échange avec le supérieur hiérarchique.
Le Conseil d’État dans deux décisions récentes, a précisé les conditions de saisine de l’interlocuteur départemental.
Pour en savoir plus, consultez notre brève sur le sujet ici.
CE, 9e ch. jugeant seule, 20 févr. 2023, n° 463029.
CE, 9e chs, 10 mars 2023, n° 464123.
- Rescrit : la voie du recours pour excès de pouvoir est confirmée !
En principe, l’article L.199 du LPF prévoit que le Tribunal Judiciaire est compétent en matière fiscale pour statuer sur les problématiques de droits d’enregistrement, d’IFI, de taxe sur la publicité foncière, de droits de timbre, de contributions indirectes et de taxes assimilées à ces droits, taxes ou contributions. Le juge administratif est, quant à lui, le juge de l’impôt en matière d’impôts directs et de taxe sue le chiffre d’affaires ou taxes assimilées. Toutefois, ces dispositions ne s’appliquent pas aux actes administratifs détachables de la procédure d’imposition. Ainsi, en principe, ces actes sont susceptibles de faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir (REP).
Dans un arrêt récent, le Tribunal des conflits a, à nouveau, eu à déterminer si un rescrit constituait une décision susceptible de faire l’objet d’un REP devant le juge administratif, indépendamment de tout contentieux d’assiette de l’impôt et a rappelé la position déjà prise par le Conseil d’Etat dans son arrêt du 2 décembre 2016.
Pour en savoir plus, consultez notre brève sur le sujet ici.
T. confl., 15 mai 2023, n° C4270
- Plus-value immobilière : L’exonération de résidence principale ne s’applique pas à la fraction affectée à une chambre d’hôtes
Par principe, la plus-value immobilière réalisée sur l’immeuble constituant la résidence principale du vendeur est exonérée d’impôt (CGI, art. 150 U, II 1°). Toutefois, lorsqu’une fraction de l’immeuble est mise à disposition de la clientèle comme chambres d’hôtes, cette fraction de l’immeuble ne peut pas bénéficier de l’exonération. C’est sur cette hypothèse que la CAA de Toulouse a eu à se prononcer récemment.
Pour en savoir plus, consultez notre brève sur le sujet ici.
Cour Administrative d’appel de Toulouse, 1ère chambre, 16 mars 2023, 21TL00109
- Rescrit fiscal : Une attestation signée par un contrôleur des Finances Publiques peut être une prise de position formelle de l’administration fiscale
Pour rappel, le rescrit fiscal permet de demander à l’administration fiscale de prendre position sur l’interprétation d’un texte fiscal ou sur l’interprétation d’une situation particulière au regard d’un texte fiscal. Une telle prise de position est opposable à l’administration lorsque cette dernière est saisie d’une demande écrite, précise et complète par un redevable de bonne foi.
Le Conseil d’État, par un arrêt du 4 mai 2023, admet qu’un rescrit ne doit pas nécessairement porter le nom « rescrit » pour en être un.
Pour en savoir plus, consultez notre brève sur le sujet ici.
Conseil d’État, 10ème et 9ème chambres réunies, 04/05/2023, 453366
- IFI : Le terrain d’assiette doit aussi être similaire pour l’évaluation par comparaison
Conformément à l’article L17 du Livre des procédures fiscales, lorsqu’elle estime qu’un bien déclaré à l’IFI (et anciennement à l’ISF) est sous-évalué, l’administration fiscale est en droit de chercher à déterminer la valeur vénale réelle dudit immeuble en recourant à une analyse comparative de biens similaires.
Pour cette analyse, la jurisprudence impose à l’administration de se fonder sur des biens « intrinsèquement similaires ».
L’affaire tranchée par la Cour de cassation dans son arrêt du 25 janvier 2023, concernait une villa sur un terrain de presque 3.000 m2.
Pour en savoir plus, consultez notre brève sur le sujet ici.
Cass. Com., 25 janvier 2023, n°20-16.125
- IFI : Gare aux cessions postérieures dans le cadre de l’évaluation des immeubles !
Par principe, l’assiette de l’impôt de solidarité sur la fortune au moment des faits et de l’impôt sur la fortune immobilière aujourd’hui, est constituée par la valeur nette au 1er janvier de l’année des biens imposables (article 965 du CGI).
Il ressort de ce point et d’une jurisprudence constante de la Cour de cassation que l’évaluation des biens en cause ne pouvait se fonder que sur les cessions antérieures à cette date du 1er janvier, date du fait générateur de l’ISF dans l’arrêt, de l’IFI aujourd’hui. La CAA de Paris a une nouvelle fois eu à se prononcer à ce sujet.
Pour en savoir plus, consultez notre brève sur le sujet ici.
CA Paris, 5 décembre 2022, n°21/03150
- Exonération de résidence principale et délai avant cession : attention au prix élevé !
Comme rappelé dans notre bulletin sur le sujet, la qualification de résidence principale constitue un enjeu considérable pour les contribuables. En effet, une telle qualification permet notamment d’être exonéré de plus-value lors de la cession d’un tel bien. Pour ce faire, le bien doit être affecté totalement à usage d’habitation, constituer la résidence habituelle et effective du cédant lui-même au jour de la cession. Toutefois, l’exonération est maintenue si l’immeuble a été occupé par le cédant jusqu’à sa mise en vente mais ne l’est plus lors de sa vente à condition :
- qu’il ne l’ait pas loué ou mis à disposition gratuitement pendant cette période et,
- que la cession intervienne dans un délai raisonnable, fixé généralement à un an.
La CAA de Versailles, dans un arrêt du 8 avril 2023, a toutefois refusé l’exonération de la plus-value de cession de la résidence principale d’une contribuable en arguant de conditions liées au prix de cession.
Pour en savoir plus, consultez notre brève sur le sujet ici.
CAA de VERSAILLES, 1ère chambre, 8 mars 2023, 21VE03104, Inédit au recueil Lebon
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