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Veille fiscale – Eté 2021

 

TVA sur marge, Droit à déduction TVA immobilière & marchand de biens, Taux réduit & véranda, Abus de droit, Pacte Dutreil, Exonération de plus-value liée à la résidence principale & secondaire

 

 

Marie-Bénédicte Pain, Bérénice Binazet & Lydie Bientz

 

Retrouvez la veille fiscale du 1er juin au 31 août 2021 réalisée par l’équipe de contentieux fiscal et ingénierie patrimoniale du cabinet Rivière│Avocats│Associés

 

TVA sur marge et condition d’identité – Le Gouvernement ne tranche pas en attente du retour de la CJUE

Les ventes de terrains à bâtir (« TAB ») sont en principe soumises à la TVA sur le prix total. Toutefois, il est possible d’opter à la TVA sur la seule marge réalisée par le cédant, si l’acquisition du bien n’a pas ouvert droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée (article 268 du CGI qui correspond à la transposition de l’article 392 de la directive TVA).

Le fisc soutenait que cette possibilité d’option était conditionnée à une identité entre le bien acquis et revendu (le TAB cédé devait avoir été acquis en tant que tel et un TAB issu de la division d’un bien acquis bâti ne pouvait donc bénéficier de l’option sur la marge). Les juges du fond estimaient que l’application de la TVA sur la marge était conditionnée au seul fait que l’acquisition par le cédant n’ait pas ouvert droit à déduction de la TVA (application littérale de l’art. 268 du CGI) et censuraient les redressements fondés sur la condition d’identité juridique ou physique. Par un arrêt PROMIALP en date du 27 mars 2020, le Conseil d’État a mis fin au débat et a confirmé qu’il devait y avoir identité entre le bien acquis et le bien vendu pour que la TVA sur marge soit applicable (cf. notre bulletin sur le sujet).

Néanmoins, cette décision du CE laisse des zones d’incertitude quant à la portée de la condition d’identité, raison pour laquelle la CJUE a déjà été saisie de cette problématique (cf notre brève sur le sujet).

En attendant, un sénateur avait interrogé le Gouvernement pour savoir si les précisions apportées dans les réponses ministérielles antérieures à l’arrêt du CE étaient rapportées. Ces dernières réponses considéraient que seule la condition d‘identité juridique devait être respectée, une éventuelle modification physique du bien acquis et revendu ne faisant pas obstacle à l’application de la TVA sur marge.

Par une réponse en date du 27 avril 2021, le Gouvernement précise simplement que la circonstance qu’un bien immobilier figure comptablement en stock ou à l’actif immobilisé est sans incidence sur l’application du régime de taxation sur la marge.

Toutefois, concernant l’incidence de travaux d’aménagement sur les terrains ou du passage de terrain non à bâtir à terrain à bâtir, le gouvernement préconise d’attendre le retour de la CJUE.

Réponse AN Grau N° 35554, 27 avril 2021

 

 

TVA sur marge et saisine de la CJUE – L’avocat général vient de rendre ses conclusions !

Comme précisé supra, il existe un contentieux sur l’application du régime de la TVA sur marge et notamment sur la nécessité d’une identité juridique ou matérielle entre le bien acquis et le bien revendu pour son application. La CJUE a déjà été saisie de cette problématique (cf. notre brève sur le sujet). Elle doit notamment déterminer si le régime dérogatoire de taxation sur la marge prévu à l’article 392 de la directive TVA s’applique aux reventes de terrains, pour lesquelles l’assujetti n’a pas eu de droit à déduction à l’occasion de leur acquisition, lorsque ceux‑ci sont revendus, après division en lots et après travaux d’aménagement, en tant que terrains à bâtir.

Selon l’avocat général, qui vient de rendre ses conclusions, la TVA sur marge ne peut pas s’appliquer à la revente d’un terrain à bâtir :

– lorsque ce terrain a été acquis « non bâti » par le revendeur (c’est-à-dire un terrain qui n’était pas qualifié de terrain à bâtir) ;

– ou si ce terrain a fait l’objet, entre le moment de son acquisition et celui de sa revente, de modifications de ses caractéristiques telles que la réalisation de travaux permettant leur desserte par divers réseaux (voirie, eau potable, électricité, gaz, assainissement, télécommunications).

Toutefois, la TVA sur marge s’appliquerait dans le cas où, entre l’acquisition initiale d’un terrain à bâtir et celui de sa revente, les transformations subies par ce terrain sont limitées à la division de celui‑ci en lots.

Même si les conclusions de l’avocat général sont généralement suivies par la Cour, il conviendra d’attendre la décision finale pour en tirer les conséquences pratiques.

Affaire C-299/20 – Conclusions de l’avocat général

 

 

TVA immobilière supportée par un marchand de bien sur un immeuble ancien – La TVA ne peut être déduite qu’à la revente en cas d’option, une mise en location soumise à TVA ne le permet pas

Il résulte de la combinaison des articles 260-5° bis, 261 et 271 du CGI que lorsqu’un immeuble achevé depuis plus de cinq ans est acquis en vue de sa revente, la TVA ayant éventuellement grevé le prix d’acquisition n’est pas déductible, sauf exercice, au moment de la revente, de l’option prévue au 5° bis de l’article 260-5°bis du CGI.

Le Conseil d’État, dans un arrêt du 9 juin 2021, confirme la règle selon laquelle un marchand de biens ne peut déduire la TVA grevant l’acquisition d’un immeuble ancien avant sa revente, même si ce dernier est loué avec TVA en attendant. Pour en savoir plus, consultez notre brève sur le sujet ici.

CE, 9 juin 2021, n°429498

 

 

TVA sur travaux immobiliers – La création d’une véranda augmente la surface de plancher et doit donc en principe être soumise au taux normal de TVA

L’article 279-0 bis du CGI prévoit que le taux de TVA applicable aux travaux d’amélioration, de transformation, d’aménagement et d’entretien portant sur des locaux à usage d’habitation, achevés depuis plus de deux ans, est fixé au taux intermédiaire, lequel est aujourd’hui de 10 %.

Le texte comporte néanmoins des exceptions et c’est le taux normal qui s’applique aux travaux tenant à la « production d’un immeuble neuf au sens du 2° du 2 du I de l’article 257 », aux travaux à l’issue desquels la surface de plancher des locaux existants (i.e travaux dans le volume existant) est augmentée de plus de 10 % ou aux travaux de construction. La loi prévoit que les travaux de construction/extension hors locaux existants sont donc systématiquement soumis au taux normal. La doctrine administrative (BOI-TVA-LIQ-30-20-90-30) prévoit toutefois une tolérance, appliquant le taux intermédiaire dès lors que la construction n’excède pas 9m2.

Dans l’affaire portée devant la Cour administrative d’appel de Bordeaux, un professionnel opérant des installations de véranda avait appliqué le taux intermédiaire de TVA à plusieurs de ses chantiers entre 2013 et 2015. Pour en savoir plus, consultez notre brève sur le sujet ici.

CAA de Bordeaux, 8 juin 2021, n°19BX01496

 

 

Revenus fonciers – Abus de droit pour fraude à la loi et bail conclu par une SCI avec ses associés pour permettre la déduction des charges foncières

L’article 15-II du CGI dispose que « les revenus des logements dont le propriétaire se réserve la jouissance ne sont pas soumis à l’impôt sur le revenu ». Corrélativement, les charges afférentes à ces logements ne sont pas susceptibles de déduction des revenus.

Se réserve la jouissance d’un logement, le propriétaire qui l’occupe personnellement ou qui le laisse gratuitement à la disposition d’un tiers sans y être tenu par un contrat de location.

A l’inverse, les logements productifs de revenus fonciers permettent la déduction des charges engagées en vue de la production de ce revenu.

La procédure de l’abus de droit de l’article L64 du LPF permet d’écarter les actes constitutifs d’un tel abus soit par fictivité, soit pour fraude à la loi (i.e. recherche du bénéfice d’une application littérale des textes ou de décisions à l’encontre des objectifs de leurs auteurs dans un but exclusivement fiscal).

Dans l’affaire 2021-14 le Comité de l’abus de droit fiscal (Affaire n° 2021-14 concernant Mme Y) a reconnu un abus de droit pour fraude à la loi dans le cas d’un bail conclu par une SCI avec ses associés pour permettre la déduction des charges foncières. Pour en savoir plus, consultez notre brève sur le sujet ici.

Avis du Comité de l’abus de droit fiscal – Affaire n° 2021-14 concernant Mme Y

 

 

Pacte Dutreil et entreprise individuelle – le bénéfice du dispositif est conditionné à l’exercice de l’activité individuelle par le défunt lors de son décès

L’article 787 C du CGI prévoit que « sont exonérés de droits de mutation à titre gratuit, à concurrence de 75 % de leur valeur, la totalité ou une quote-part indivise de l’ensemble des biens meubles et immeubles (…), affectés à l’exploitation d’une entreprise individuelle ayant une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale transmis par décès dès lors que trois conditions sont réunies :

1/L’entreprise doit avoir été détenue par le défunt depuis plus de deux ans ;

2/Chacun des héritiers doit prendre l’engagement, dans la déclaration de succession, de conserver l’ensemble des biens affectés à l’exploitation de l’entreprise pendant une durée de quatre ans ;

3/L’un des héritiers doit poursuivre effectivement l’exploitation de l’entreprise pendant les trois années qui suivent la date de la transmission. »

Dans l’affaire portée devant la Cour d’appel de renvoi le 11 mai 2021, la CA a estimé que l’absence d’exercice d’une activité individuelle de loueur meublé professionnel par la défunte au jour de son décès faisait obstacle à l’application de l’article 787 C du CGI. La défunte avait en effet cessé l’exploitation de son entreprise individuelle, avait confié la gestion des immeubles à une SARL à qui elle louait les biens non meublés. Pour en savoir plus, consultez notre brève sur le sujet ici.

CA Grenoble 11-5-2021 n° 19/01583

 

 

Plus-value immobilière – Pas d’exonération de la cession de sa résidence secondaire quand on détient un droit démembré sur sa résidence principale

Pour rappel, l’article 150 U du CGI prévoit des exonérations d’impôt sur la plus-value immobilière. Outre la règle de non-imposition lors de la cession d’une résidence principale, le texte exonère également la plus-value réalisée au titre de la première cession d’un logement autre que la résidence principale à la double condition que le cédant n’ait pas été propriétaire de sa résidence principale au cours des quatre années précédant la cession et qu’il remploie le prix de cession dans l’acquisition ou la construction d’un logement qu’il affecte à son habitation principale.

En application de la doctrine administrative (BOI-RFPI-PVI-10-40-30), le fait que le cédant détienne un droit démembré sur sa résidence principale est de nature à faire échec au bénéfice de l’exonération.

Dans le cadre d’un recours pour excès de pouvoir, un contribuable a attaqué cette doctrine en estimant qu’elle rajoutait à la loi et qu’elle était contraire à l’objectif poursuivi par le législateur.

Dans un arrêt du 15 juillet 2021, le Conseil d’État rejette le recours et confirme ainsi que l’exonération de la plus-value de première cession d’une résidence secondaire n’est applicable que si le cédant ne détient aucun droit réel immobilier sur le bien constituant sa résidence principale.

CE, 15 juillet 2021 n° 453490

 

 

Contentieux fiscal – Une proposition de rectification notifiée à l’entreprise et non à son mandataire est valable à défaut de mandat de représentation suffisamment précis

Une société qui avait fait l’objet d’une procédure de rectification a contesté la validité de la procédure au motif que la proposition de rectification qui lui avait été notifiée l’avait été à elle-même et non au mandataire (expert-comptable) qu’elle avait désigné notamment pour « signer, adresser et recevoir des documents, correspondances, demandes d’information et déclarations ».

Le TGI a fait droit à la demande de la société mandante, contrairement à la Cour d’appel qui l’a déboutée de ses demandes. Pour en savoir plus, consultez notre brève sur le sujet ici.

Cour de cassation, Chambre commerciale, 7 juillet 2021, 19-16.970

 

 

Plus-value immobilière et résidence principale – Ces indices qui peuvent faire échec à l’exonération et qualifier un manquement délibéré

Pour rappel, l’article 150 U-II du CGI prévoit des cas d’exonération d’impôt sur la plus-value des ventes immobilières, au premier rang desquels figure l’exonération de la résidence principale du vendeur.

Le juge de l’impôt et l’administration fiscale peuvent toutefois contester la qualité de résidence principale de l’immeuble cédé afin de faire obstacle à l’application de cette exonération.

Dans sa décision du 1er avril 2021, la CAA de Douai écarte la notion de résidence principale de l’immeuble occupé par les cédants en recourant à la méthode du faisceau d’indices et applique les pénalités pour manquement délibéré de 40 % estimant que les contribuables ne pouvaient ignorer qu’ils avaient appliqué une exonération indue. Pour en savoir plus, consultez notre brève sur le sujet ici.

CAA de DOUAI du 13 juillet 2021 n°19DA01643

 

Pour télécharger notre veille en pdf, veuillez cliquer sur le lien

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